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La tribune imaginaire de Cornelius

by Tony, Antoine & Romain

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1.
J’ai le désir, et je sens le besoin, pour vivre, d’un autre société que celle qui m’entoure. Comme la grande majorité des hommes, je peux vivre dans celle-ci et m’en accommoder – en tout cas j’y vis. Aussi critiquement que j’essaye de me regarder, ni ma capacité d’adaptation, ni mon assimilation de la réalité ne me semblent inférieures à la moyenne sociologique. Je ne demande pas l’immortalité, l’ubiquité, l’omniscience. Je ne demande pas que la société « me donne le bonheur » ; je sais que ce n’est pas là une ration qui pourrait être distribuée à la mairie ou au conseil ouvrier du quartier, et que, si cette chose existe, il n’y a que moi qui puisse me la faire, sur mes mesures, comme cela m’est arrivé et comme cela m’arrivera sans doute encore. Mais dans la vie, telle qu’elle est faite à moi et aux autres, je me heurte à une foule de choses inadmissibles, je dis qu’elles ne sont pas fatales et qu’elles relèvent de l’organisation de la société. Je désire, et je demande, que tout d’abord mon travail ait un sens, que je puisse approuver ce qu’il sert et la manière dont il est fait, qu’il me permette de m’y dépenser vraiment et de faire usage de mes facultés autant que de m’enrichir et de me développer. Et je dis que c’est possible, avec une autre organisation de la société, pour moi et pour tous. Je dis que ce serait déjà un changement fondamental dans cette direction, si on me laissait décider, avec tous les autres, ce que j’ai à faire, et, avec mes camarades de travail, comment le faire.
2.
Des doutes 06:01
3.
4.
Faire 03:56
Faire, faire un livre, un enfant, une révolution, faire tout court, c’est se projeter dans une situation à venir qui s’ouvre de tous les côtés vers l’inconnu, que l’on ne peut donc pas posséder d’avance en pensée, mais que l’on doit obligatoirement supposer comme définie pour ce qui importe quant aux décisions actuelles. Un faire lucide est celui qui ne s’aliène pas à l’image déjà acquise de cette situation à venir, qui la modifie au fur et à mesure, qui ne confond pas intention et réalité, souhaitable et probable, qui ne se perd pas en conjectures et spéculations quant aux aspects du futur qui n’importent pas ce qui est à faire maintenant ou quant auxquels on ne peut rien; mais qui ne renonce pas non plus à cette image, car alors non seulement « il ne sait pas où il va », mais il ne sait même plus où il veut aller. On entend parfois dire : cette idée d’une autre société se présente comme un projet, mais n’est en fait que projection de désirs qui ne s’avouent pas, vêtement de motivations qui restent cachées pour ceux qui les portent. Elle ne sert qu’à véhiculer, chez les uns, un désir de pouvoir ; chez d’autres, le refus du principe de réalité, le phantasme d’un monde sans conflit où tous seraient réconciliés avec tous et chacun avec soi-même, une rêverie infantile qui voudrait supprimer le côté tragique de l’existence humaine, une fuite permettant de vivre simultanément dans deux mondes, une compensation imaginaire. Lorsque la discussion prend une telle tournure, il faut d’abord rappeler que nous sommes tous embarqués sur le même bateau. Personne ne peut assurer que ce qu’il dit est sans rapport avec des désirs inconscients ou des motivations qu’il ne s’avoue pas à lui-même. Car la révolution, telle que nous la concevons, refuse précisément d’accepter purement et simplement cette scission entre motivation et résultat, elle serait impossible dans la réalité et incohérente dans son sens si elle était portée par des intentions inconscientes sans rapport avec son contenu articulé ; elle ne ferait alors que rééditer, une fois de plus, l’histoire précédente, elle resterait dominée par des motivations obscures qui imposeraient à la longue leur propre finalité et leur propre logique. La vraie dimension de ce problème [le problème révolutionnaire] est la dimension collective; c’est à l’échelle des masses, qui seules peuvent réaliser une nouvelle société, qu’il faut examiner la naissance de nouvelles motivations et de nouvelles attitudes capables de mener à son aboutissement le projet révolutionnaire. Mais cet examen sera plus facile si nous tentons d’expliciter d’abord ce que peuvent être le désir et les motivations d’un révolutionnaire.
5.
Invasion 02:40
Je désire pouvoir, avec tous les autres, savoir ce qui se passe dans la société, contrôler l’étendue et la qualité de l’information qui m’est donnée. Je demande de pouvoir participer directement à toutes les décisions sociales qui peuvent affecter mon existence, ou le cours général du monde où je vis. Je n’accepte pas que mon sort soit décidé, jour après jour, par des gens dont les projets me sont hostiles ou simplement inconnus, et pour qui nous ne sommes, moi et tous les autres, que des chiffres dans un plan ou des pions sur un échiquier et qu’à la limite, ma vie et ma mort soient entre les mains de gens dont je sais qu’ils sont nécessairement aveugles. Je sais parfaitement que la réalisation d’une autre organisation sociale et sa vie ne seront nullement simples, qu’elles rencontreront à chaque pas des problèmes difficiles. Mais je préfère être aux prises avec des problèmes réels plutôt qu’avec les conséquences du délire de De Gaulle, des combines de Johnson ou des intrigues de Khrouchtchev. Si même nous devions, moi et les autres, rencontrer l’échec dans cette voie, je préfère l’échec dans une tentative qui a un sens à un état qui reste en deçà même de l’échec et du non-échec, qui reste dérisoire.
6.
Je veux 01:38
7.
C’est enfin parce que l’autonomie, telle que nous l’avons définie, conduit directement au problème politique et social. La conception que nous avons dégagé montre à la fois que l’on ne peut vouloir l’autonomie sans la vouloir pour tous, et que sa réalisation ne peut se concevoir pleinement que comme entreprise collective. C’est pour cela qu’il peut y avoir une politique de la liberté, et qu’on est pas réduit à choisir entre le silence et la manipulation, ni même à la simple consolation. C’est pour cela que je suis finalement responsable de ce que je dis (et de ce que je tais). Si les ouvriers d’une usine voulaient mettre en question l’ordre existant, ils se heurteraient à la police et, si le mouvement se généralisait, à l’Armée. On sait, par l’expérience historique, que ni la police ni l’Armé ne sont imperméables face à des mouvements généralisés ; et peuvent-elles tenir contre l’essentiel de la population ? Rosa Luxembourg disait : « Si toute la population savait, le régime capitaliste ne tiendrait pas 24 h. » Peu importe la résonance « intellectualiste » de la phrase : donnons à savoir toute sa profondeur, lions-le au vouloir. N’est-elle pas vraie d’une vérité aveuglante ? Oui et non. Le oui est évident. Le non découle de cet autre fait, également évident, que le régime social empêche précisément la population de savoir et de vouloir. A moins de postuler une coïncidence miraculeuse de spontanéités positives d’un bout à l’autre d’un pays, tout germe, tout embryon de ce savoir et de ce vouloir qui peut se manifester en un endroit de la société est constamment entravé, combattu, à la limite écrasé par les institutions existantes? C’est pour cela que la vue simplement « psychologique » de l’aliénation, celle qui cherche les conditions de l’aliénation exclusivement dans la structure des individus, leur « masochisme », etc., et qui dirait à la limite : si les gens sont exploités, c’est qu’ils veulent bien l’être, est unilatérale, abstraite et finalement fausse. Les gens sont cela et autre chose, mais dans leur vie individuelle, le combat est monstrueusement inégal, car l’autre facteur (la tendance vers l’autonomie), doit faire face à tout le poids de la société instituée. S’il est essentiel de rappeler que l’hétéronomie doit chaque fois trouver aussi ses conditions dans chaque exploité, elle doit les trouver tout autant dans les structures sociales, qui rendent les « chances » (au sens de Max Webber) des individus de savoir et de vouloir pratiquement négligeables. Le savoir et le vouloir ne sont pas pure affaire de savoir et de vouloir, on n’a pas affaire à des sujets qui ne seraient que volonté pure d’autonomie et responsabilité de part en par, s’il en était ainsi il n’y aurait aucun problème dans aucun domaine. Ce n’est pas seulement que la structure sociale est « étudiée pour » instiller dès avant la naissance passivité, respect de l’autorité etc. C’est que les institutions sont là, dans la longue lutte que représente chaque vie, pour mettre à tout instant des butées et des obstacles, pousser les eaux dans une direction, finalement sévir contre ce qui pourrait se manifester comme autonomie. C’est pourquoi celui qui dit vouloir l’autonomie est refuse la révolution des institutions ne sait ni ce qu’il dit ni ce qu’il veut. L’imaginaire individuel, comme on le verra plus loin, trouve sa correspondance dans un imaginaire social incarné par les institutions, mais cette incarnation existe comme telle et c’est aussi comme telle qu’elle doit être attaquée.
8.
L'idée 02:26
9.
Mon désir serait-il infantile ? Mais la situation infantile, c’est que la vie vous est donnée, et que la Loi vous est donnée. Dans la situation infantile, la vie vous est donnée pour rien ; et la Loi vous est donnée sans rien, sans plus, sans discussion possible. Ce que je veux, c’est tout le contraire : c’est faire ma vie, et donner la vie si possible, en tout cas donner pour ma vie. C’est que la Loi ne me soit pas simplement donnée, mais que je me la donne en même temps à moi-même. Celui qui est en permanence dans la situation infantile, c’est le conformiste ou l’apolitique : car il accepte la Loi sans la discuter et ne désire pas participer à sa formation. Celui qui vit dans la société sans volonté concernant la Loi, sans volonté politique, n’a fait que remplacer le père privé par le père social anonyme. La situation infantile c’est, d’abord, recevoir sans donner, ensuite faire ou être pour recevoir. Ce que je veux, c’est un échange juste pour commencer, et le dépassement de l’échange par la suite. La situation infantile c’est le rapport duel, le phantasme de la fusion – et, en ce sens, c’est la société présente qui infantilise constamment tout le monde, par la fusion dans l’imaginaire avec des entités irréelles : les chefs, les nations, les cosmonautes ou les idoles.
10.
Ce que je veux, c’est un échange juste pour commencer, et le dépassement de l’échange par la suite. Ce que je veux c’est pouvoir, avec tous les autres, décider de tout, partout. Ce que je veux, c’est la mort de la politique professionnelle et la passion de tous pour les affaires communes, car nous n’avons rien inventé de mieux que la discussion, le débat d’idées et la prise de décision collective pour résoudre les problèmes auxquels nos sociétés font face. Ce que je veux, c’est que la société cesse enfin d’être une famille, fausse de surcroît jusqu’au grotesque, qu’elle acquière sa dimension propre de société, de réseau de rapports entre adultes autonomes, de sorte que je ne veux pas changer l’humanité, mais quelque chose d’infiniment plus modeste : que l’humanité se change, comme elle l’a déjà fait deux ou trois fois. Est-ce que mon désir est désir du pouvoir ? Mais ce que je veux, c’est l’abolition du pouvoir au sens actuel, c’est le pouvoir de tous. Le pouvoir actuel, c’est que les autres sont choses, et tout ce que je veux va à l’encontre de cela. Celui pour qui les autres sont choses est lui-même une chose, et je ne veux pas être chose ni pour moi ni pour les autres. Je ne veux pas que les autres soient choses, je ne saurais pas quoi en faire
11.
Interpréter 05:20
Je suis heureuse de voir plusieurs femmes dans l'assistance. Car, ce soir, mes amis, je suis venue vous parler de la tragédie de l'émancipation des femmes. Pourquoi est-ce une tragédie ? Parce que ce qui est désormais appelé émancipation est une illusion. C'est l'idée que la femme sera émancipée par le vote. Le vote a-t-il jamais émanciper l'homme ? C'est l'idée que la femme sera émancipée quand elle quittera le foyer pour aller travailler. Le travail a-t-il jamais émancipé l'homme ? Cette femme tragiquement émancipée a peur de boire à la fontaine de la vie. Elle a peur du plaisir, et elle a si peur des hommes... Mais elle n'aura plus peur des hommes lorsqu'elle comprendra que sa liberté viendra d'elle seule et par elle seule. Elle doit dire : Je suis quelqu'un, pas quelque chose. Elle doit dire : Je refuse à quiconque tout droit sur mon corps. J'aurai des enfants ou je n'en aurai pas selon mon bon plaisir. Je ne serai la servante ni de Dieu, ni de l’État, ni d'un mari. Je me construirai une vie plus facile, plus profonde, plus riche. Une telle femme mettra le feu à la liberté ; et elle illuminera le monde entier pour toutes et tous ! Frères, sœurs... Nous savons toutes et tous qu'à la maison on ne peut pas tout dire. Nous savons toutes et tous qu'en usine, comme partout où l'on travaille pour un patron, on ne peut pas tout dire. Mais sur scène, on peut parler librement. Aussi le théâtre est-il utile pour combattre l'ignorance, la peur, les préjugés. Parmi les choses les plus fondamentales de la vie, certaines sont soumises à l'ignorance et aux préjugés. Je veux parler de l'amour et du mariage. En quoi l'amour a-t-il quelque chose à voir avec le mariage ? La réponse est : en rien. Comme la prostituée, l'épouse est une marchandise que l'on doit acheter, la prostituée pour une nuit, l'épouse pour un peu plus longtemps. (Des cris de colère dans l'assistance : "C'est toi la putain !" ; "Qui t'a demandé de venir ?" ; "Dehors !") Oui, la vérité est sure a entendre. L'homme que j'ai tant mis en colère au premier rang doit être l'un de ces maris qui ne veut pas que son épouse entende ses pensées secrètes exprimées à haute voix. (Des cris: "Bon, je m'en vais") Je regrette de vous voir partir, monsieur. J'aurais tant aimé que vous m'entendiez parler d'Ibsen. De la grande pièce d'Ibsen, "Maison de poupée", qui raconte la vie d'une femme, Nora. Elle a vécu huit ans avec un étranger. Dans une très jolie maison. Une maison de poupée. Mais elle a fini par prendre une décision. Elle n'est pas une poupée. Mais une femme. Et puis, quel est cet étranger avec qui elle vit ? Son mari. Est-ce dégradant pour une prostituée de passer une vie avec un étranger ? Dans ce cas, quelle dépravation pour deux étrangers, un homme et une femme, qui passent leur vie dans une telle intimité ? Aussi, soyons un peu attentifs avant de dénoncer les prostituées, avant de les flétrir, parce qu'elles sont comme toutes les femmes, pour qui nous devrions avoir de la compassion quand elles luttent pour leur âme, leur corps, leur liberté.
12.
Penser n’est pas sortir de la caverne, ni remplacer l’incertitude des ombres par les contours tranchés des choses mêmes, la lueur vacillante d’une flamme par la lumière du vrai Soleil. C’est entrer dans le labyrinthe, plus exactement faire être et apparaître un Labyrinthe alors que l’on aurait pu rester « étendu parmi les fleurs, faisant face au ciel ». C’est se perdre dans des galeries qui n’existent que parce que nous les creusons inlassablement, tourner en rond au fond d’un cul-de-sac dont l’accès s’est refermé derrière nos pas – jusqu’à ce que cette rotation ouvre, inexplicablement, des fissures praticables dans la paroi
13.
Je désire pouvoir rencontrer autrui comme un être pareil à moi et absolument différent, non pas comme un numéro, ni comme une grenouille perchée sur un autre échelon (inférieur ou supérieur peu importe) de la hiérarchie des revenus et des pouvoirs. Je désire pouvoir le voir, et qu’il puisse me voir, comme un autre être humain, que nos rapports ne soient pas un terrain d’expression de l’agressivité, que notre compétition reste dans les limites du jeu, que nos conflits, dans la mesure où ils ne peuvent être résolus ou surmontés, concernent des problèmes et des enjeux réels, charrient le moins possible d’inconscient, soient chargés le moins possible d’imaginaire. Je désire qu’autrui soit libre, car ma liberté commence là où commence la liberté de l’autre et que, tout seul, je ne peux être au mieux que « vertueux dans le malheur ». Je ne compte pas que les hommes se transformeront en anges, ni que leurs âmes deviendront pures comme des lacs de montagne – qui m’ont du reste toujours profondément ennuyé. Mais je sais combien la culture présente aggrave et exaspère leur difficulté d’être, et d’être avec les autres, et je vois qu’elle multiplie à l’infini les obstacles à leur liberté. Je sais, certes, que ce désir ne peut pas être réalisé aujourd’hui ; ni même, la révolution aurait-elle lieu demain, se réaliser intégralement de mon vivant. Je sais que des hommes vivront un jour, pour qui le souvenir même des problèmes qui peuvent le plus nous angoisser aujourd’hui n’existera pas. C’est là mon destin, que je dois assumer, et que j’assume. Mais, cela ne peut me réduire au désespoir, ni à la rumination catatonique. Ayant ce désir qu’est le mien, je ne peux que travailler à sa réalisation. Et déjà dans le choix que je fais de l’intérêt principal de ma vie, dans le travail que j’y consacre, pour moi plein de sens (même si j’y rencontre, et j’accepte, l’échec partiel, les délais, les détours, les tâches qui n’ont pas de sens en elles-mêmes), dans la participation à une collectivité de révolutionnaires qui tente de dépasser les rapports réifiés et aliénés de la société présente – je suis en mesure de réaliser partiellement ce désir. Si j’étais né dans une société communiste, le bonheur m’eût-il été plus facile – je n’en sais rien, je n’y peux rien. Je ne vais pas sous ce prétexte passer mon temps libre à regarder la télévision ou à lire des romans policiers. Est-ce que mon attitude revient à refuser le principe de réalité ? Mais quel est le contenu de ce principe ? Est-ce qu’il faut travailler – ou qu’il faut nécessairement que le travail soit privé de sens, exploité, contredise les objectifs pour lesquels il a prétendument lieu ? Ce principe vaut-il, sous cette forme, pour un rentier ? Valait-il sous cette forme, pour les indigènes des îles Trobriand ou de Samoa ? Vaut-il, encore aujourd’hui, pour les pêcheurs d’un pauvre village méditerranéen ? Jusqu’à quel point le principe de réalité manifeste la nature, et où commence t-il à manifester la société ? Jusqu’où manifeste t-il la société comme telle, et à partir d’où telle forme historique de la société ? Pourquoi pas le servage, les galères, les camps de concentration ? Où donc une philosophie prendrait-elle le droit de me dire : ici, sur ce millimètre précis des institutions existantes, je vais vous montrer la frontière entre le phénomène et l’essence, entre les formes historiques passagères et l’être éternel du social ? J’accepte le principe de réalité, car j’accepte la nécessité du travail (aussi du longtemps du reste qu’elle est réelle, car elle devient chaque jour moins évidente) et la nécessité d’une organisation sociale du travail. Mais je n’accepte pas l’invocation d’une fausse psychanalyse et d’une fausse métaphysique, qui importe dans la discussion précise des possibilités historiques des affirmations gratuites sur des impossibilités sur lesquelles elle ne sait rien.
14.
Poursuivrais-je cette chimère, de vouloir éliminer le côté tragique de l’existence humaine ? Il me semble plutôt que je veux en éliminer le mélodrame, la fausse tragédie – celle où la catastrophe arrive sans nécessité, où tout aurait pu se passer autrement si seulement les personnages avaient su ceci ou fait cela. Que des gens meurent de faim aux Indes, cependant qu’en Amérique et en Europe, les gouvernements pénalisent les paysans qui produisent trop, c’est une macabre farce, c’est du Grand-Guignol où les cadavres et la souffrance sont réels, mais ce n’est pas de la tragédie, il n’y a là rien d’inéluctable. Et si l’humanité périt un jour à coups de bombes à hydrogène, je refuse d’appeler cela une tragédie. Je l’appelle une connerie. Je veux la suppression du Guignol et de la transformation des hommes en pantins par d’autres pantins qui les « gouvernent ». Lorsqu’un névrosé répète pour la quatorzième fois la même conduite d’échec, reproduisant pour lui-même et pour ses proches le même type de malheur, l’aider à s’en sortir c’est éliminer la farce grotesque, non pas la tragédie ; c’est lui permettre de voir enfin les problèmes réels de sa vie et ce qu’ils peuvent contenir de tragique – que sa névrose avait pour fonction en partie d’exprimer mais surtout de masquer.

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Lecture de Cornelius Castoriadis

Extraits de L'institution imaginaire de la société (1975) et de Les carrefours du labyrinthe I (1978)

Sauf "Interpréter" : Discours d'Emma Goldman dans la pièce de Howard Zinn, "Emma".

credits

released April 26, 2020

Voix : Iris, Julie, Cory, Antoine, Romain & Tony

Musique orginale : Lucie, Antoine, Julien, Romain, les oiseaux et pécheurs de la Sarthe, l'orage et les oiseaux de Louisiane, le rémouleur du Chili

Musique cadienne du dernier morceau : Amédée Ardoin, Edius Naquin, Wade Frugé et Les amis créoles

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Tony, Antoine & Romain Bondy, France

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